Une approche du cyberharcèlement centrée sur les ressources des adolescents.

/ novembre 16, 2018

« Le harcèlement est une situation de souffrance psychologique parce que la victime est mise au ban de son groupe de socialisation. L’écoute des parents la réintègre dans un groupe et la rassure sur son affiliation familiale qui constitue le socle de son sentiment d’identité ».

Y. Leroux

L’étude James 2018 (évaluation bisannuelle des pratiques numériques des suisses de 12 à 19 ans) vient de révéler que 23 % des jeunes indiquent avoir déjà été victime d’une personne voulant leur régler leur compte. 16 % des jeunes interrogés ont déjà divulgué des textes ou photos offensants avec leur téléphone portable ou un ordinateur et plus de 12 % indiquent que des propos erronés ou offensants envers eux ont été divulgués sur Internet. 33 % des jeunes indiquent que des photos ou des vidéos d’eux ont été publiées en ligne sans leur autorisation.

Si le cyberharcèlement représente aujourd’hui un nouveau terrain sur lequel le harcèlement « plus classique » peut s’exprimer, il devient important de réfléchir aux ressources à mobiliser pour le restreindre, ou du moins en limiter les conséquences négatives.

Le psychiatre français Yann Leroux est spécialisé dans l’étude des relations et des échanges numériques. Il propose une approche des situations de cyberharcèlement, dans laquelle les compétences numériques et leurs valorisations inscrivent la victime dans une démarche active.

À travers un texte très complet, Yann Leroux décrit l’état actuel de cette problématique en France. On y trouve également des conseils que je trouve très pertinents sur la manière d’accompagner un adolescent qui aurait subi des moqueries, ou des persécutions plus graves, sur les réseaux sociaux.

On peut notamment retenir les points suivants :

  • Travailler en collaboration entre parents et école (enseignants).
  • Ne pas viser des mesures de surprotection, mais plutôt s’appuyer sur les compétences de l’enfant.
  • Interroger les enfants sur leur vie en ligne en général et sur le harcèlement en particulier.
  • Ceci permet alors aux parents de transmettre des messages et des informations à leurs enfants sur ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas.
  • Témoigner de l’empathie et apporter un point de vue sur le long terme, ce qui permet de minimiser l’impact émotionnel du harcèlement.
  • Rappeler que les règles qui régissent la vie en société valent aussi sur Internet.

Comme le rappel également Yann Leroux dans son article, « toute menace physique doit faire l’objet d’une plainte en bonne et due forme. L’adolescent se sentira ainsi soutenu inconditionnellement par sa famille et par la société puisque l’agression dont il est l’objet est réprouvée par l’une comme par l’autre ».

Le texte complet est à lire ici : Que faire en cas de harcèlement en ligne ?

En Suisse, la question du cyberharcèlement est également au cœur des préoccupations des autorités responsables de l’éducation au numérique (p.ex. l’Office Fédérale des Assurances Sociales). Pour ma part, je suis régulièrement invité par des établissements scolaires pour jouer le rôle de « pompier » après un incendie numérique. À chaque fois, les adolescents que j’y rencontre tiennent un discours qui se veut rassurant « Ouais, mais on sait M’sieur, on nous l’a déjà dit « . Pourtant, il suffit d’une fois, où l’émotionnel prend le dessus sur le rationnel, où le numérique représente soudainement un moyen accessible de se venger ou de concrétiser une pulsion destructrice, et c’est à nouveau toute l’école qui s’enflamme. Bien entendu, la place de la prévention est importante, auprès des jeunes, par exemple via les actions d’Action Innocence, ou auprès des adultes, par exemple par Cyber Coachs, mais cela reste malheureusement des démarches ponctuelles.

Ce que j’apprécie dans la proposition de Yann Leroux, c’est l‘intégration des propres ressources numériques et humaines des adolescents. Les accompagner et leur offrir un soutien leur permet ainsi de surmonter ces épreuves difficiles en se sentant écouté, valorisé et grandi. On ne se contente alors pas de proposer une réponse punitive (qui fait pourtant partie de la solution), mais on saisit l’occasion pour ouvrir le dialogue et ainsi éviter à la fois une répétitivité et une escalade.

Share this Post